mercredi 15 septembre 2010

LE QUÉBEC ET LE MARXISME

vol. 1, no. 9

Le Québec était particulièrement réputé dans les années 1970 et 1980 pour être un haut lieu de discussion du marxisme. On y enseignait les Lumières aussi. L’idée de la révolution sociale et politique, jointe au désir de l’indépendance du Québec faisait son chemin, notamment chez les intellectuels – les artistes inclus- et la jeunesse estudiantine. On n’a qu’à se rappeler les débats sans fin qui ponctuaient les réunions de l’Association nationale des étudiants du Québec (ANEQ).

Bien qu’on en parle moins aujourd’hui, tout le monde était pas mal d’accord pour affirmer avec Jean-Jacques Rousseau que « l’homme est né libre, et partout il est dans les fers. Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d’être plus esclave qu’eux. […] Tant qu’un peuple est contraint d’obéir et qu’il obéit, il fait bien; sitôt qu’il peut secouer le joug, et qu’il le secoue, il fait encore mieux […] Cependant, ce droit ne vient point de la nature; il est donc fondé sur des conventions ». (Du contrat social, Nouveaux classiques Larousse, Paris, 1973, p.20).

Les Lumières ont précédé Marx et Engels qui ont rédigé le Manifeste du Parti communiste. Les enjeux étaient plus précis et incisifs : « En Allemagne, la classe petite-bourgeoise, relique du 16ème siècle, et se présentant constamment sous diverses formes, est la base sociale réelle de l’état existant des choses. Préserver cette classe, c’est préserver l’état existant des choses en Allemagne. La suprématie industrielle et politique de la bourgeoisie la menace par une certaine destruction, d’une par la concentration du capital, et de l’autre par la montée du prolétariat révolutionnaire ». Il y a quelques années, le Premier ministre sortant du Québec, chef du Parti québécois (nationaliste et petit bourgeois) niait avec force la division du Québec en classes sociales; nous parlons de Bernard Landry. (Washington Square Press, New York, 1977, p. 105).

Marx et Engels s’étaient déjà penchés sur cette parade des petit-bourgeois en Allemagne – ceux-ci ne faisaient-ils pas la pluie et le beau temps?- « La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l’émanation directe de leur comportement matériel. Il en va de même de la production intellectuelle telle qu’elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de tout un peuple. » (L’idéologie allemande, Éditions sociales, Paris, 1968, p. 35).

C’est évident que le Parti québécois (PQ) n’accordait pas énormément d’intérêt réel aux ouvriers industriels et à leurs problèmes –si ce n’est que pour glaner leurs voix-, plutôt absent lors de crises et balayant sous le tapis leurs demandes économiques qui « compromettaient » la course au profit de leurs vrais maîtres –les monopoles étrangers surtout. Karl Marx a écrit à ce propos : « il est clair qu’entre ces deux limites du taux maximum du profit, il y a place pour une échelle immense de variations possibles. Son degré n’est déterminé que par la lutte incessante entre le capital et le travail; le capitaliste essaye continuellement d’abaisser les salaires à leur minimum physiologique et de prolonger la journée de travail à son maximum physiologique, tandis que l’ouvrier exerce constamment une pression dans le sens opposé. » (Salaire, prix et profit, Éditions en langues étrangères, Pékin, 1970, p. 69).

Sujet sensible au Québec : la « noyade » de la nation canadienne-française dans un grand continent anglo-saxon. La revue Mentalité démontre « qu’il n’y a pas d’homogénéité ethnique au Québec parce que les immigrants provenaient de provinces différentes en France. Par ailleurs, le Québec n’est pas une population fermée. […] ‘La vérité est qu’il n’y a pas de race pure. Les plus nobles pays, l’Angleterre, la France, l’Italie, sont ceux où le sang est le plus mêlé’. Et le Québec n’y fait pas exception. Les Canadiens-français ne sont pas une population dégénérée par la consanguinité. » (Éloge de la différence, été 2010, Montréal, p. 21).

Le rôle des intellectuels n’est pas d’être alarmiste et de crier au loup. « La tâche spécifique de l’art et de la création artistique est de former et éduquer la sensibilité de l’homme, de lui apprendre à percevoir le monde dans les formes d’une sensibilité développée à la mesure de l’homme… (p 33); trop souvent parce qu’une œuvre d’art, disons une chanson porte la marque « québécoise » on la porte aux nues, alors que « le rôle de la critique sera réduit à zéro et perdra tout son crédit si elle a simplement la prétention de tout régenter en déclarant : ceci est bien, ceci est mauvais. La critique doit former les représentations esthétiques des lecteurs, à partir desquelles ceux-ci pourront voir eux-mêmes les qualités et les défauts de l’œuvre. » (pp. 80-81).
Dans notre grande civilisation nord-américaine, du « main stream », on ne peut ignorer les propos du sociologue américain Éric Fromm qui disait, en 1943, que « l’homme ne souffre pas tant de la misère que du fait d’être devenu le petit rouage d’une grande machine, un automate; sa vie est devenue vide et dénué de sens… » (p.168). Ces dernières citations, on les retrouvera dans Recherches Internationales (Littérature, no. 87, Paris, 1976).

Plus de 60 ans plus tard, le quotidien Métro annonçait le 15 septembre 2010 que « Les États-Unis enregistrent une hausse record de la pauvreté ». Même à ce niveau, le pays perd tout sens de confort matériel, après sa déchéance morale. En 2009, le pays aurait compté « 45 millions de pauvres », avec un rythme de chômage annuel de 10,1%; ce sont les Noirs et les Hispaniques qui trinquent le plus durement.

Il faut espérer que toutes les discussions sur l’avenir des communistes aux USA aboutiront dans un avenir rapproché; après tout, ce sont eux qui ont largement influencé Roosevelt dans les années 1930 pour qu’il lance son New Deal et crée un filet de programmes sociaux qui a permis aux citoyens états-uniens de relever la tête et d’espérer une vie meilleure. Les lecteurs de Pour la Komintern now! seront sans doute intéressés de savoir que les membres les plus résolus du Parti communiste USA, face à l’inertie et la mollesse de leurs dirigeants, songent maintenant à créer un parti plus combatif et déterminé pour que les travailleurs américains retrouvent la prospérité et la paix, tout en influençant d’une manière sans détour la direction de la grande centrale syndicale American Federation of Labor-Congress of Industrial Organizations, AFL-CIO.

Peut-être que le président Barack Obama sera sensible aux pressions d’une classe ouvrière organisée et résolue qui veut davantage que de beaux discours et quelques retombées économiques, d’autant plus que les magnats des banques et de l’industrie sont déjà, eux, retombés sur leurs pattes!

danieleugpaquet@yahoo.ca

www.laviereelle.blogspot.com

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